Avant toute exposition au soleil, l’application de crème solaire semble être devenu un réflexe, puisque c’est un indispensable pour protéger sa peau des rayons UV. En parallèle, depuis quelques années, l’alerte est lancée sur la nocivité de leurs composants sur la santé et l’environnement. De quelles connaissances disposons-nous à l’heure actuelle ? Et quel est leur impact sur les récifs coralliens ?

On estime que chaque année, environ 14000 tonnes de produits chimiques issus de filtres solaires sont déversés dans les océans. Et pour cause, l’application de la crème solaire semble être parfaitement entrée dans nos mœurs. En cas de surexposition aux rayons ultraviolets (UV), qu’ils soient naturels et/ou artificiel, nous savons que le risque de développer un mélanome cutané, ou cancer de la peau, est décuplé. Cependant, il faut savoir qu’une partie importante de la crème solaire appliquée sur notre peau se disperse dans l’eau pendant nos baignades. Et les vacanciers ne sont pas les seuls concernés : les rejets d’eaux usées municipales, résidentielles et de bateaux sont également pointés du doigt.

Impact des crèmes solaires sur les coraux

Le processus paraît presque invisible à nos yeux, seule la fine couche huileuse qui s’échappe de notre peau et s’étend à la surface de l’eau semble attirer notre regard. Les coraux absorbent pourtant bel et bien ces substances, qui se diluent parfaitement dans l’eau grâce à leur taille qui se compte en nanomètres. Les colonies de polypes finissent par mourir et ne plus apporter les nutriments nécessaires à la survie de l’exosquelette avec lequel elles vivaient en symbiose. Ces composants, en véritables poisons, perturbent le cycle de croissance ainsi que la reproduction du corail jusqu’à son blanchissement. Inévitablement, cette intoxication nuit à toute la biodiversité qui dépend de la survie des coraux et donc plus largement, à tout l’écosystème marin.

Blanchissement du corail | © Francesco

Composants mis en cause

Filtres organiques (ou chimiques)

Nous ne pouvons parler ici que des produits nocifs désignés par les études les plus récentes sur ce sujet, puisque la liste est en constante évolution. Sur le banc des accusés, nous retrouvons des perturbateurs endocriniens comme l’oxybenzone, l’octinoxate, les parabènes, les silicones, ainsi que l’octocrylène, mis en cause dans une étude parue dans la revue Analytical Chemistry en 2018 puis lors d’une nouvelle publication en 2020. L’absorption de ces composants génèrerait un stress et affecterait directement les fonctions vitales des coraux, qui en réponse, sécrèteront une molécule stéroïde pour tenter de se protéger.

Les nanoparticules pointées du doigt

Si les filtres anti-UV minéraux paraissent être la solution idéale à première vue, une étude parue dans la National Library of Medicine en 2018 démontre qu’ils peuvent également être à l’origine du stress et d’une altération entre le corail et les zooxanthelles allant de minimes à sévères. Le blanchissement sévère a été relevé en laboratoire dans le cas de l’utilisation de nanoparticules d’oxyde de zinc (ZnO) non enrobées sur des coraux de type Acropora spp. Quant aux deux formes modifiées de dioxyde de titane Eusolex®T2000 et Optisol™, largement utilisés dans les crèmes solaires, il semblerait que leur impact soit minime et mieux toléré par les organismes vivants.

Les nanoparticules ont été pensées dans l’objectif d’améliorer la pénétrabilité des produits dont les crèmes solaires. En d’autres termes, elles permettent d’éviter l’aspect blanchâtre qu’elles laissent à la surface de la peau. Certains regrettent notamment ce côté désagréable et peu vendeur pour les marques. Les compositions qui en contiennent sont généralement transparentes et plus faciles à appliquer. Le problème réside précisément dans cette problématique. Elles seraient plus facilement assimilables par les organismes vivants et il serait plus difficile de les éliminer. Et à ce jour, nous ne connaissons que très peu leur impact réel sur les écosystèmes des récifs coralliens. Les chercheurs commencent à peine à évaluer les risques d’accentuation de bioaccumulation et de bioamplification qui y sont liés.

Ainsi, pour notre santé et l’environnement, plusieurs études semblent donc préconiser d’éviter leur emploi. Notez que la mention « nano » est normalement obligatoire dans la liste des ingrédients. Toutefois, UFC Que Choisir déplorent son absence chez de nombreux fabricants et l’immobilisme des pouvoirs publics.

© Josu Ozkaritz

Filtres anti-UV inorganiques (ou minéraux)

Le dioxyde de titane (TiO2) et l’oxyde de zinc (ZnO) sont les deux seuls filtres minéraux autorisés par l’Union Européenne. Ils protègent la peau en réfléchissant ou en réfractant les rayons ultraviolets. Ces derniers sont employés dans une majeure partie des protections solaires car ils offrent un large spectre de protection et une faible pénétration de la peau. Sans doute avez-vous déjà essayé une crème solaire qui laissait un léger voile blanc sur votre peau ? Les filtres minéraux accentuent cet aspect pendant les premières minutes qui suivent leur application lorsqu’il ne s’agit pas d’une forme nanoparticulaire. On constate que les filtres organiques (chimiques) sont peu à peu remplacés ou combinés avec des filtres inorganiques (minéraux). Sous forme de nanoparticules, il semblerait que leur mode d’action soit comparable à celui des filtres chimiques.

Opportunités et perspectives d’études approfondies

Au regard de la vulnérabilité des coraux aux changements anthropiques, nous devons rester vigilants et en quête de nouvelles données. Plusieurs études soulignent notamment le manque de données sur les filtres anti-UV inorganiques (ou minéraux), bien que pour l’heure, leurs résultats permettent un certain optimisme. Ceux connus à ce jour ne nous permettent pas de dessiner de conclusions générales pour le moment. Les dernières études permettent d’entrevoir les potentiels effets nocifs de nombreux composants, sous forme de nanoparticules notamment, mais n’en connaissent pas la mesure. Par contre, elles semblent déjà confirmer la nocivité des filtres anti-UV organiques (chimiques).

Malgré tout, l’optimisme est permis car les formules minérales à base de dioxyde de titane (TiO2) tendent à obtenir de meilleurs résultats que les formules chimiques après différents tests en laboratoires et en milieux naturels. De nouveaux filtres naturels sont à l’étude et pourraient voir le jour d’ici quelques années.

Élargir le panel d’espèces étudiées, à différentes maturités

Les expériences menées en laboratoires restent encore limitées. En effet, les chercheurs se concentrent souvent sur les mêmes espèces de coraux, sur des colonies adultes. A savoir, Acropora spp. et Stylophora pistillata, considérées par certains comme des « rats de laboratoire » faciles à étudier. Les récifs coralliens sont pourtant tellement diversifiés que nous devons garder en tête que chaque espèce fonctionne à son propre rythme et réagira différemment aux modifications de son milieu. Selon Schneider et Lim dans une étude de J Am Acad Dermatol de 2019, il semblerait que le corail juvénile (ou larve de corail) soit très susceptible aux polluants. Cette étude souligne également le fait que le corail à croissance lente pourrait être plus résistant que les autres espèces, en raison de son faible taux de bioaccumulation.

Mesures pionnières à Hawaï et en Micronésie

Les alertes informant sur le déclin de l’état de santé des coraux ont conduit Hawaï et la Micronésie à adopter de nouvelles mesures de protection. Ces projets de loi visent à interdire la vente et l’utilisation de crèmes solaires contenant de l’oxybenzone et de l’octinoxate. On comprend l’urgence d’agir quand on sait que la baie d’Hanauma, à Hawaï, abrite plus de 450 espèces de poissons sur ses immenses récifs et que plusieurs millions de touristes s’y baignent chaque année. D’autres États pourraient bien suivre le mouvement en prenant des mesures de protection et de conservation similaires.

Comment agir ?

A notre échelle, nous pouvons commencer par choisir des produits plus respectueux, sur la base de nos connaissances scientifiques actuelles. Dans notre article Crèmes solaires ocean-friendly : laquelle choisir ?, nous vous donnons des pistes afin de choisir les crèmes solaires avec les meilleures compositions possibles à privilégier.

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